Quand la fièvre des soucoupes volantes a envahi l’Amérique

 

Publié le 11/09/2018 – Nagib KARY

Après qu’une vague d’observations étranges ait été rapportée dans le ciel de Washington DC durant l’été 1952, la presse et le public ont exigé des réponses.

Ces objets inexpliqués, détectés au radar et surpassant les avions de chasse américains, étaient-ils le fruit d’une invasion de l’armée soviétique ou d’un phénoméne beaucoup plus mystérieux ?

Cet article met en lumière un moment clé de l’histoire des ovnis à travers des évènements qui ont sans doute influencé la politique à venir des autorités vis-à-vis de la question.

 
Les observations de Washington DC de juillet 1952, également connues sous le nom de « Big Flap », occupent une place particulière dans l’histoire des objets volants non identifiés.
 
Les principaux journaux américains ont rapporté de multiples observations d’ovnis en provenance de contrôleurs aériens, de pilotes civils et militaires si bien qu’un service de renseignement spécial de l’US Air Force avait été envoyé auprès des témoins pour enquêter. Leur silence ainsi que leur seule et unique déclaration officielle ont alimenté les premières théories au sujet d’un complot gouvernemental visant à cacher des preuves de vie extraterrestre.
 
Tout a commencé en 1947, lorsqu’un pilote privé dénommé Kenneth Arnold a rapporté l’observation de neuf « choses semblables à des soucoupes… » circulant à des vitesses dépassant 1.000 mph près du Mont Rainier dans l’État de Washington. En quelques semaines, des observations de «soucoupes volantes » avaient été répertoriées dans 40 autres États.
 
Au nom de la sécurité nationale, le général de l’armée de l’air Nathan Twining a lancé le projet SIGN (initialement appelé Projet SAUCER) en 1948, le premier programme officiel de renseignement militaire à recueillir des informations sur les observations d’ovnis. Ses enquêteurs ont qualifié une grande majorité de cas comme étant des canulars, des erreurs d’identification d’aéronefs conventionnels ou des phénomènes naturels. Néanmoins, quelques cas sont restés « inexpliqués ».
 
En 1952, une unité d’investigation sur les ovnis appelée « Project Blue Book » a été mise en place. Elle fut dirigée par le capitaine Edward Ruppelt au sein de la base aérienne de Wright-Patterson à Dayton, en Ohio. 
 
Ruppelt et son équipe auraient continué à enquêter sur quelques dizaines d’observations par mois, comme l’a rapporté le magazine LIFE d’avril 1952, juste au-dessus d’une photographie de Marilyn Monroe située sur la page de couverture.
L’article, rédigé avec la coopération de Ruppelt, mettait en lumière l’intérêt de l’US Air Force pour le sujet des ovnis, en évoquant la sécurité nationale. Il a justement énuméré 10 « incidents  » d’ovnis inexpliqués en ne négligeant pas leur origine extraterrestre. 
 
Un scientifique travaillant sur des projets « secrets » pour les États-Unis a déclaré à LIFE : « Je suis complètement convaincu de la portée mondiale de ce phénomène. »
 
Selon le Washington Post, le nombre d’observations d’ovnis signalées à l’armée de l’air a été multiplié par six, passant de 23 en mars 1952 à 148 en juin. 
 
En juillet, les conditions étaient réunies pour provoquer une véritable fièvre au sein de la population américaine au sujet des ovnis : anxiété généralisée à cause de la guerre froide, couverture médiatique important à cause de ces incidents inexpliqués…
A la fin du chapitre 17 de son ouvrage intitulé « The Report on Unidentified Flying Objects », Ruppelt déclare :

Peut-être que la réponse définitive sera que toutes les observations rapportées se résument à des phénomènes connus mais mal identifiés. On peut-être que les nombreux pilotes, contrôleurs, généraux, industriels, savants ou simples quidams qui m’ont dit « moi non plus je n’y aurais pas cru si je ne l’avais pas vu moi-même » savaient de quoi ils parlaient. Peut-être bien que la Terre est visitée par des engins interplanétaires. Seul l’avenir nous le dira. 

 
Un mystérieux radar émet un bourdonnement au-dessus de la Maison-Blanche
 
Peu avant minuit, le samedi 19 juillet 1952, le contrôleur aérien Edward Nugent de l’aéroport national de Washington a repéré sur son écran radar sept objets lents et éloignés de toute trajectoire de vol civile ou militaire connue. Il appela directement son supérieur hiérarchique en plaisantant à propos d’une « flotte de soucoupes volantes ». Au même moment, deux autres contrôleurs aériens ont repéré une étrange lumière planant au loin, avant de soudainement s’éteindre à une vitesse incroyable.
 
À proximité de la base aérienne d’Andrews, les contrôleurs aériens recevaient les mêmes signaux non identifiés, lents et groupés d’abord, avant de foncer à des vitesses dépassant 7.000 mi/h. 
 
En regardant par la fenêtre de sa tour, un contrôleur d’Andrews a vu ce qu’il décrivit comme ressemblant à une « boule de feu orange trainant une queue ». Un pilote commercial traversant la Virginie et la région de Washington a quant à lui signalé six lumières brillantes.
 
Lorsque les opérateurs radars ont repéré les objets au-dessus du bâtiment de la Maison-Blanche et du Capitole, les blagues sur les ovnis se sont arrêtées. Deux avions intercepteurs F-94 se sont trouvés complètement brouillés et les signaux disparaissaient juste au moment de s’approcher des échos radars.
 
« J’ai essayé de prendre contact avec les contrôleurs aériens »
 
Personne n’a pris la peine de parler de ces observations à Ruppelt, l’investigateur principal du Projet Blue Book. 
 
Il a découvert cette observation que quelques jours plus tard dans la presse au moment de s’envoler pour Washington, DC.
 
Ruppelt a essayé de se rendre auprès des contrôleurs aériens de la base d’Andrews pour les interroger avant de se voir refuser l’autorisation du gouvernement pour s’y déplacer en voiture ou en taxi. Frustré, il retourna en Ohio sans avoir récupéré le moindre élément sur cette affaire.
 
Le samedi suivant, les ovnis sont réapparus au-dessus de la capitale nationale. C’est alors Ruppelt a de nouveau découvert l’affaire grâce à un appel téléphonique d’un journaliste.
 
Il a cette fois-ci immédiatement contacté deux collègues de l’armée de l’air pour en savoir plus et ils lui confirmèrent que les mêmes signaux radar étaient de retour. Les opérateurs radars s’étonnaient à haute voix de la douzaine d’objets détectés sur leurs écrans et du fait qu’ils ne pouvaient pas être causés par une inversion de température, un phénomène courant durant les mois d’été chauds et humides à Washington DC.
 
Une inversion de température se produit lorsqu’une couche d’air chaud se forme dans la basse atmosphère, emprisonnant de l’air plus frais. Les signaux radar peuvent rebondir sur cette couche à des angles peu profonds et faire apparaitre dans le ciel des formes d’objets. Les collègues de l’armée de l’air de Ruppelt étaient toutefois convaincus que les objets sur l’écran radar n’étaient pas des mirages, mais des avions solides.
 
Par mesure de sécurité, deux autres avions de type F-94 se sont empressés de poursuivre les cibles non identifiées apparaissant sur les écrans radars de la base d’Andrews.
 
L’un des pilotes de chasse a aperçu une lumière brillante au loin avant de la poursuivre.
 
« J’ai essayé de prendre contact avec ces objets situés à moins de 1000 pieds », a déclaré le pilote aux journalistes. 
 
« J’ai vu plusieurs lumières brillantes alors que ma vitesse était maximale et j’ai alors cessé de les pourchasser parce que je n’avais aucune chance de les dépasser. »
 
 
Éviter la panique de masse avec une théorie contestée
 
Le lendemain, les titres de journaux à travers l’Amérique étaient à peu près similaires : « Saucers Swarm Over Capital », « Jets Chase DC Sky Ghosts ». L’effervescence au sujet des observations étaient si grandes que le président Harry Truman a personnellement réclamé des réponses. Lorsqu’ils ont contacté Ruppelt, il a répondu que cela aurait pu être causé par une inversion de température, et que des investigations supplémentaires étaient nécessaires pour expliquer à la fois les images radar et les témoignages.
 
Mais avant qu’une enquête aussi approfondie puisse avoir lieu, l’armée de l’air a convoqué une conférence de presse qui fut l’une des plus longues depuis la Seconde Guerre mondiale.
 
Les officiers de l’armée de l’air avaient décidé, sans consulter Ruppelt et l’équipe du projet Blue Book que la meilleure réponse à ces observations était de fournir à la presse et au public une explication facile à avaler.

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