Les RR3 et leur fonction miroir

Publié le 21/08/2015| Philippe SOLAL, Professeur agrégé de Philosophie

 

C’est dans les rencontres rapprochées de type III, les RR3, que le phénomène OVNI se laisse le mieux approcher, le mieux « capté ». Dans les RR1 et RR2, son élusivité est trop forte et rien ne permet de déceler en lui sa nature « spéculaire », c’est-à-dire la mise en miroir qu’il met en œuvre dans sa scénographie. Dans ces deux derniers cas, il se présente comme un vaisseau spatial de forme variée souvent lenticulaire ou discoïdale, parfaitement conforme à notre imaginaire et à nos projets de conquête spatiale. L’illusion est parfaite car le phénomène est trop loin de nous. Dans les RR4, l’élusivité du phénomène est aussi trop forte mais cette fois par un effet de trop grande proximité avec nos représentations inconscientes: fantasmes, êtres cauchemardesques, scénarios d’enlèvements et d’examens génétiques et gynécologiques à forte connotation sexuelle (y compris avec des scènes supposées de rapports sexuels avec des entités, cf. cas Vilas-Boas, 1957).  Nous sommes cette fois placés trop près du phénomène et il devient impossible de démêler l’écheveau entre son extériorité et notre propre intériorité.
 
La bonne distance, là où le phénomène révèle pleinement sa nature de simulacre et sa fonction spéculaire, là où il se dévoile dans sa vérité, concerne les RR3. Ici se situe un point d’équilibre entre espace physique et espace psychique qui permet de déceler dans le récit rapporté des éléments de nature personnelle (ou transpersonnelle) avec lesquels le phénomène s’habille. Autrement dit, c’est dans les RR3 que le vêtement du phénomène est le plus visible. Ce vêtement a pour étoffe nos propres représentations culturelles  (univers de la SF, de la publicité de l’époque, du roman, du cinéma, des traditions folkloriques, etc.) ou bien des souvenirs liés à l’histoire personnelle du sujet. Les exemples qui peuvent illustrer ce point sont légion, même si ici, je ne les référencerais pas (cela fera l’objet d’un travail ultérieur mené conjointement avec Éric Zurcher).
 
Ce sont les cas bien connus du champignonnier qui observe un OVNI en forme de champignon; du bijoutier qui décrit un engin en forme de rivière de diamants. De ces cas Italiens de pécheurs qui rapportent des humanoïdes couverts d’écailles sortir d’une soucoupe. De ce témoin qui observe des humanoïdes qui jouent une scène qui ressemble à s’y méprendre à ce qu’il avait lui-même vécu pendant la Guerre d’Algérie (transport d’un blessé). Parfois l’habillage du phénomène emprunte son étoffe phénoménale à des expressions courantes et nous fait « le coup de la panne » (exemples nombreux lors de la vague de 1954) ou pratique la « navigation aérienne » (airships 1896-97). C’est aussi le cas exemplaire de Petite-ile (Réunion, 1975) avec des bonhommes Michelin qui sautent à pieds joints sur le sol et analysent de la terre, comme l’avait fait quelques années plus tôt Neil Armstrong sur la lune. (Voir récit de ce cas en fin d’article).

 
Bonhomme Michelin décrit à Petite-ile (Réunion)
 
Le mimétisme est évident, mais il faut aller plus loin dans l’analyse que parler simplement ici d’imitation.  Tout se passe comme si une conscience exogène se connectait avec la conscience d’un témoin humain et utilisait son « matériel psychique » pour se manifester à lui. C’est ce que j’ai appelé « l’intrication psychique » (par comparaison avec la notion d’intrication physique). De l’information circule entre les deux consciences, l’une puisant son apparence dans l’autre, comme s’il s’agissait d’un transfert énergétique entre deux neurones. C’est John Penniston, à propos du cas de Rendlesham qui a lui-même parlé de « télépathic download » pour décrire les informations qu’il avait reçues lors de son observation de 1980.
 
 
Le secret de la manifestation des OVNI avec nous est là, à mon sens : un vaste système de connexions de conscience (exogène) à conscience (humaine), où de l’information circule. Rien ne permet de penser que ce processus, clairement décelable dans les RR3, soit différent dans le cas des RR1, RR2 et RR4. Dans tous les types de rencontre il y a connexion, et cette notion seule peut expliquer le caractère éminemment sélectif des observations (cas nombreux où, dans un groupe de témoins, certains voient quelque chose et d’autres pas). Il s’agit là du même principe que dans les apparitions mariales qui utilisent, elles, d’autres supports mentaux, un autre matériel psychique emprunté au registre du témoin.
 
Ces éléments conduisent à plusieurs conséquences importantes, détaillées comme suit :
1) ils invitent à proposer une réforme des questionnaires d’enquête des témoins de RR3 qui, à côté des éléments objectifs de l’observation (lieu, heure, descriptions physiques, etc.) doivent s’accompagner d’une enquête de personnalité du témoin, qui sera nécessairement plus difficile à mettre en œuvre puisqu’elle peut s’apparenter à une enquête de type biographique ou psychanalytique. Plus facile à dire qu’à faire.
 
2) admettre qu’une observation de type RR3 qui n’est pas confirmée par d’autres témoins présents au moment de l’observation ne doit pas être pour autant invalidée par cette absence de confirmation. L’observation doit alors plutôt être considérée comme s’adressant spécifiquement à un seul témoin (connexion simple).
 
3) Enfin, dans ce cadre, les RR1 « classiques » (avec témoins multiples et simultanés), sont assimilables à un processus de connexions multiples conscience exogène / conscience humaine. Il est difficile de déterminer, dans ce dernier cas, si l’apparence physique de l’OVNI est issue d’une intrication (emprunt d’images mentales propres à l’observateur) ou d’un téléchargement (de l’information serait « téléchargée » dans l’esprit du témoin) qui va déboucher sur une matérialisation sous la forme d’un OVNI, selon des densités variables suivant les cas, exactement de la même manière que nous téléchargeons des données qui vont produire sur un écran d’ordinateur une image. 
 
Il est possible que les deux processus soient simultanément mis à l’œuvre (téléchargement et intrication) ce qui reviendrait à faire d’une observation d’OVNI un processus où se cumule une décharge d’information dans l’esprit du sujet et l’emprunt de formes mentales préexistantes dans la psyché de celui-ci. L’ensemble participerait alors à l’apparence de la manifestation phénoménale.
 
 
Le plus extraordinaire, d’un point de vue physique cette fois, est que ce processus aboutit à une véritable matérialisation du phénomène observé, puisque l’OVNI ou les personnages qui en sortent, s’ils puisent leur apparence dans la psyché humaine, possèdent un caractère matériel incontestable généré par une conscience exogène. Et ce dernier point n’est possible que parce que l’ensemble de la réalité perçue est, en vérité, de nature psychique, ou, ce qui revient au même, parce que les objets matériels sont issus du jeu de la conscience et de l’information.
Annexe :
Observation de Petite Ile (Réunion)
14 février 1975
12:05 heures
 
 
 
Philippe Solal
 
 

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