Interview de Jacques Vallée par Ovnis-Direct

Publié le 02/03/2014. © Copyright ovnis-direct.com. Tous droits réservés.

Le média Ovnis-Direct a eu le privilège d’interviewer Jacques Vallée, en février 2014.
 
 
Nous avons sollicité pour cette interview quatre autres intervenants, pionniers dans leur domaine :

–  Fabrice Bonvin sur la conscience, l’ufologie et son évolution.
–  Nagib KARY, responsable du média Ovnis-Direct sur l’ouvrage « Science Interdite, Vol 2 », l’ufologie, la physique et l’hypothèse du système de contrôle.
–  Philippe Solal sur la physique, la cosmologie et les cryptides.
–  Daniel Robin sur les ovnis et le programme d’apprentissage.
–  Jean-Pierre Troadec sur l’affaire de Cergy Pontoise, les soucoupes nazies, les sociétés initiatiques et les contacté

Jacques Vallée obtient une licence de mathématique à la Sorbonne et une maitrise d’astrophysique à l’Université de Lille et entame sa carrière professionnelle en tant qu’astronome à l’Observatoire de Paris en 1961.

En 1962,  il quitte la France pour pratiquer l’astronomie à l’université du Texas où il contribue à établir la première carte informatisée de Mars pour la NASA.

Il étudie ensuite à l’université Northwestern, où il obtient un doctorat en informatique. Enquêteur capital du grand projet de la NSF de réseau d’ordinateurs, qui aboutit au premier système de conférence sur l’ARPANET plusieurs années avant l’avènement de l’Internet, il officie également au National Advisory Committee of the University of Michigan College of Engineering. 

Il découvre l’intelligence artificielle et rejoint le projet Blue Book. S’intéressant de plus en plus aux ovnis, il propose en 1966 un système de classification des observations d’ovnis, qui sera suivi d’un second en 1990. Il fonde avec son mentor J.Allen Hynek le Collège Invisible, qui se fondra ensuite dans le CUFOS, un groupe d’experts du monde entier qui s’interrogent sur les soucoupes volantes sans pour autant forcément y croire. Il est choisi par Steven Spielberg comme modèle pour le personnage de Lacombe, le savant français interprété par François Truffaut dans son film Rencontres du troisième type. Jacques Vallée est capital-risqueur depuis 1987 dans la Silicon Valley et a participé aux investissements dans une soixantaine de start-up. 

En 1978, après la prestation de Eric Gairy, la plaidoirie de Hynek auprès de l’ONU pour une prise en charge sérieuse du problème des ovnis, se tient le 07-14 une réunion au siège des Nations-Unies pour discuter du soutien de l’ONU à l’étude des ovnis. Outre Vallée, participent notamment à cette réunion Gordon Leroy Cooper, Claude Poher, le secrétaire général de l’ONU de l’époque Kurt Waldheim et David R. Saunders 14 .

Jacques Vallée entrevoit dans le phénomène ufologique un système de « contrôle » évolutionniste terrestre, opérant sur l’inconscient collectif de notre espèce, d’où une vision holistique au travers d’exemples de phénomènes folkloriques ou contemporains sortant de l’ordinaire humain. Cette perception de l’auteur s’affirme notamment à la lecture de la trilogie Autres dimensions/Confrontations/révélations à l’orée des années 1990.

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Fabrice Bonvin :
(Ecrivain ufologue suisse, psychologue de formation, traitant particulièrement du rapport entre les Ovnis et l’écologie ainsi que de l’impact psychologique des apparitions sur les témoins).

FB: Comment voyez-vous l’ufologie et l’activité d’ufologue à échéance de 15-20 ans ? Qu’est-ce qui changera fondamentalement ou ne changera pas ?

JV: Il ne faudra pas s’étonner si on assiste à une recrudescence de manifestations alors que l’humanité commence une nouvelle phase d’exploration systématique de l’espace. Mais c’est au phénomène lui-même qu’il faudrait poser la question : il a montré qu’il était divers, adaptable et imprévisible. Il a aussi montré qu’il était fondamentalement intéressé par nos progrès technologiques et nos prototypes.

FB: Quel est le penseur, l’intellectuel ou le chercheur que vous admirez le plus et pour quelles raisons ?

JV: Vous l’avez peut-être constaté en lisant Science Interdite : j’ai trouvé chez Aimé Michel une grande source d’inspiration, un esprit remarquable par la puissance de sa vision et l’humanité profonde de son intellect. Le fait qu’un tel penseur ait pu être ignoré, et même méprisé par les beaux esprits en France n’est pas à l’honneur de notre pays. Par contre, le petit groupe de ceux qui l’ont connu ont eu un grand privilège. Pour Aimé, les Ovnis n’étaient qu’un mystère parmi d’autres : c’était un penseur vraiment universel.

FB: Quel est la discipline scientifique actuelle qui serait le plus à même à faire profiter l’ufologie de ses acquis ?

JV: Je pense à deux disciplines dont l’application est urgente : l’informatique d’abord, avec le « data-mining », et la médecine qui n’a jamais été sérieusement appelée à étudier les effets à long terme sur les témoins de rencontres rapprochées. Au-delà de cela, bien sûr, la physique doit intervenir en regardant les ovnis comme un « théorème d’existence » pour comprendre la réalité physique dans un sens plus large.

FB: En quoi la conscience et les Ovnis sont-ils reliés ? Quel rôle joue la conscience dans les manifestations Ovnis ?

JV: On a longtemps vu les ovnis comme des vaisseaux spatiaux classiques, conformes à la science-fiction des années 40 et 50. Cette interprétation a la vie dure : en France en particulier, où les récentes percées de la parapsychologie sont mal connues, on considère les effets psychiques rapportés par les témoins soit comme des preuves de faiblesse mentale, soit comme des effets électromagnétiques secondaires et accidentels. Pourtant, au fur et à mesure que la documentation s’améliore, on découvre que les aspects physiques du phénomène sont aussi négociables que ses effets psychiques : tout se passe comme s’il prenait le contrôle d’une zone donnée, y compris les perceptions des témoins. C’est cette constatation qui avait découragé Aimé Michel.

FB: Est-ce que les gouvernements (et en particulier celui des États-Unis) cachent des informations sur les Ovnis au public (à votre avis et selon votre expérience) ?

JV: Il y a deux niveaux à cette question : (1) les gouvernements (et pas seulement celui des USA) gardent pour eux les informations qu’ils jugent les plus sensibles, en particulier celles qui viennent des militaires. Tout semble montrer que depuis 1947 cette politique a été considérée comme légitime, dans l’intérêt même des populations et dans l’espoir de découvrir rapidement des percées technologiques. (2) La question plus difficile est de savoir si ces percées ont eu lieu. A mon avis le phénomène a probablement résisté à toute analyse, classifiée ou non. La question d’ouvrir les dossiers va se poser à nouveau. Il n’est pas aussi simple de comprendre le phénomène ovni que de démonter un MiG ou de copier secrètement la navette spatiale.

FB: Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à la communauté ufologique ?

JV: Je ne crois pas que j’ai des conseils personnels à donner. Il est évident que l’on ne fera pas de vrais progrès dans un climat qui tolère les querelles de chapelles, et il serait bon d’éviter les accusations paranoïaques qui découragent l’adhésion de vrais chercheurs. Le phénomène est accessible au niveau local, donc la possibilité d’études sur le terrain et d’échange rapide des données est grande ouverte. Ce serait plus utile que de ruminer à propos de secrets inaccessibles dans les tiroirs des gouvernements.

FB: Quels sont vos plus grands regrets dans votre parcours ufologique ?

JV: Je me demande parfois si les choses auraient pris un autre tournant si j’avais accompagné Allen Hynek à Detroit pendant l’affaire du « swamp gas ». Ce fut la plus grande opportunité de poser la question de la réalité du phénomène devant le grand public américain et les milieux scientifiques. Ensemble, et avec les conseils de Bill Powers, nous aurions pu présenter une vision sérieuse et urgente du problème qui aurait été comprise par les médias.
Tout cela, c’est de l’eau qui est passée sous les ponts, comme disent les Américains. Si je regarde en arrière il est clair que professionnellement j’ai perdu mon temps quand je suis rentré en France fin 1967. Devrais-je le regretter ? Je n’aurais pas pu écrire Passport to Magonia ailleurs qu’à Paris. Et puis je n’aurais pas vécu Mai 68 sur place !

 
Nagib KARY d’Ovnis-Direct sur l’ouvrage « Science Interdite, Vol 2 ».

NK: P389, réponse de J.Vallée à Aimé Michel sur l’origine des ovnis (Belmont vendredi 25 juin 1976) :
« L’opinion publique n’a que deux positions possibles vis-à-vis des ovnis : si tu arrives à enlever de l’esprit des foules l’idée que ce sont des hallucinations, ces mêmes cerveaux vont se rabattre sur la conclusion qu’il s’agit purement et simplement d’extraterrestre ».
« Ne vois-tu pas qu’une technologie qui peut créer des déformations locales de l’espace pourrait ne pas se limiter à produire des ovnis, mais toutes sortes d’autres phénomènes qui sembleraient miraculeux ?»
.

À part les ovnis, pourriez-vous nous citer un panel de ces phénomènes miraculeux, résultants de cette super technologie ?

JV: Ces phénomènes sont dans la littérature sous la forme de témoignages de poltergeist comme dans le livre du capitaine de gendarmerie Tizané, voire les fameuses déformations de métal par la pensée rapportées par des laboratoires soviétiques ou par le Stanford Research Institute (ou, en France, par le chercheur métallurgiste Crussard). La non-localité autorise les phénomènes du sourcier décrits par le grand physicien français Yves Rocard dans ses expériences à l’École Normale Supérieure, comme l’avait souligné le relativiste Olivier Costa de Beauregard. Il est dommage qu’on ait systématiquement occulté ce domaine pour des raisons idéologiques. Il était peut-être marginal dans les années 70 mais il revient au centre des grandes questions physiques actuelles.

NK: P406, commentaire d’Aleister Crowley sur la société pour la recherche psychique :
« Tout leur travail ne fait qu’apporter la preuve qu’il existe des forces extérieures aux humains. Nous les connaissons depuis toujours : l’univers est rempli de manifestations obscures et subtiles de l’énergie. Mais personne avant moi n’a jamais réussi à prouver l’existence d’une intelligence extérieure à l’espèce humaine, alors que ma compilation magique y parvient. Mais il est impossible de douter qu’il y ait quelqu’un là, quelqu’un capable d’organiser des manifestations de la même façon que Napoléon a conçu ses plans de bataille, habité par des pouvoirs d’une ampleur inimaginable, par le biais desquels il peut contrôler les actions des peuples qu’il a choisies pour jouer un rôle dans l’exécution de ses desseins. »

Les publications faites par des personnages appartenant au courant ésotérique de l’hermétisme, comme Aleister Crowley, Facius Cardan, John Dee et autres que vous citez, vous ont-ils influencé d’une quelconque manière dans vos recherches menant à l’hypothèse du système de contrôle ?

JV: Certainement. Avant le développement de la science telle que nous la connaissons, beaucoup de chercheurs solitaires ou membres de petits groupes se sont posé les mêmes questions que nous. Le père de Facius Cardan était un grand mathématicien, John Dee était un érudit qui a contribué à la science de la navigation, d’autres étaient chimistes, alchimistes ou astrologues. Ils se sont demandé s’il existait un équilibre général du monde qui donnerait un sens à la vie humaine et aux phénomènes qui nous entourent. 

NK: Quels sont, selon vous, les éléments déclencheurs des mouvements sectaires des années 70 aux USA ?

JV: Une nouvelle génération prenait conscience des insuffisances de la culture occidentale et s’est révoltée contre les interdits religieux, sociaux, politiques et artistiques du monde de leurs parents, sortis mentalement épuisés et culturellement appauvris de la seconde guerre mondiale. Dans ce climat il était naturel que l’exploration spirituelle parte un peu dans toutes les directions et soit en partie captée par des sectes. J’ai observé ce phénomène aux USA mais il existait aussi en France, en Angleterre et ailleurs, moins visible, mais tout aussi puissant : voyez le Temple Solaire…

NK: On note bien à travers votre dernier ouvrage vos réticences concernant certaines techniques dites de méditation par l’intermédiaire de substances. Un nouveau courant d’ufologues sérieux, s’étant rendu en Amazonie, évoque l’efficacité des méthodes utilisées par des shamans (ayahuasca) pour atteindre d’autres plans de réalités. On les qualifie même de « techniciens de la conscience ». Qu’en pensez-vous ?

JV: Sur le plan de la recherche, toutes ces explorations sont utiles et même précieuses : la science actuelle pose la question de la nature de la réalité, à la fois sous l’angle physique (les quanta, la non-localité etc.) et physiologique (traitement de l’information par le cerveau, découverte de mécanismes cachés grâce aux IRM « fonctionnels » etc.)
J’ai rencontré Terence McKenna et réalisé au cours de nos conversations combien nos hypothèses sur un éventuel « système de contrôle » convergeaient. Mais mon axe de recherche personnel passe par une calibration systématique des données, avec un étalonnage des outils d’investigation qui n’est pas possible quand on est emporté par les visions des drogues comme l’ayahuasca ou simplement le LSD.
Vivant en Californie de façon permanente depuis 1969 j’ai vu passer toutes les expériences à partir de ces méthodes, qu’elles sortent des jungles sud-américaines ou simplement des labos pharmaceutiques. Je comprends leur utilité pour forcer certaines structures du cerveau à révéler leur fonction dans la construction de la réalité, mais je n’y ai rien appris qui soit nouveau et fiable pour mon propre travail.

NK: P427 – Citation de l’auteur :
« Le phénomène ovni ressemble à un kaléidoscope comportant trois niveaux distincts : un niveau à l’échelle purement physique et technologique ; un niveau sociologique ; et pour finir, un niveau personnel, subliminal, qui joue avec les nuances subtiles de la psyché humaine. Le premier de ces aspects semble clairement indiquer une origine extraterrestre ; le second, si on s’en tient à sa seule dimension sociétale serait du ressort de la mythologie humaine et de l’anthropologie : c’est l’explication qui recueille les faveurs de Kit et des sceptiques évolués, contrairement à Menzel et Klass qui se contentent de nier tout en bloc.
Le troisième aspect est le plus inquiétant : il laisse entrevoir les indices d’une manipulation plus sombre, d’origine terrestre et très matérielle ».

 
Avez-vous réalisé, ces dernières années, de nouvelles découvertes sur ce troisième aspect du phénomène ovni ?

JV: On est confronté à cet aspect quand on poursuit l’étude des cas sur le terrain. Tout se passe comme si le phénomène était capable de manipuler son environnement (y compris son environnement humain) pour occulter sa véritable nature. A mon avis les structures de camouflage utilisent des éléments terrestres, et il ne s’agit pas seulement, comme on l’a longtemps cru naïvement, d’un « cover-up » bureaucratique.

 
Philippe Solal
(Docteur et professeur agrégé de philosophie à l’INSA de Toulouse, enseignant en expression-communication, psychologie sociale, philosophie des sciences et auteur d’une dizaine d’ouvrages dans ces domaines).

PS: La physique et la cosmologie de ce début du XXIe siècle sont en crise et cherchent de nouveaux modèles pour représenter l’univers : multivers, univers multidimensionnels, repliés, feuilletés, etc.  Êtes-vous attentif à cette crise, et celle-ci alimente-t-elle votre réflexion sur l’origine des OVNIS ?

JV: J’ai suivi de près ces travaux, d’abord en astrophysique à l’Université du Texas qui a été un des principaux centres de recherche cosmologique, puis à Stanford et au SRI. Le résultat a été mon livre « Autres Dimensions » car les ovnis nous offrent entre autres l’opportunité de poser cette question de la structure de l’univers. Plus récemment j’ai fait une conférence TED sur le sujet de la physique de l’information, dans le cadre d’une rencontre à Bruxelles sur les 60 prochaines années, période qui mettra ces travaux au centre de la recherche, à mon avis.

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