Article du philosophe Philippe Solal intitulé « OVNIS : l’émergence d’un nouveau paradigme »

Publié le 21/09/2014

Par Philippe Solal, agrégé de philosophie
Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse

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I. Un contexte scientifique nouveau
 

Quand on utilise les mots « changement de paradigme » dans le domaine de la philosophie des sciences, il s’agit là de l’usage d’une expression très puissante. Le terme de paradigme (qui tire son origine du grec ancien  paradeïgma signifiant « modèle » ou « exemple ») permet de désigner aujourd’hui un moment majeur dans la manière dont on se représente le monde. Dans le cas des sciences dures, comme la physique, parler de « nouveau paradigme » c’est annoncer l’émergence de nouveaux systèmes de représentations et, corrélativement, c’est instaurer une nouvelle manière de traiter les objets que l’on veut étudier.
 
Ainsi quand Michel Foucault parle de « changement de paradigme », dans la science du XVIe siècle, il décrit la nouvelle manière dont la science (celle de Galilée) considère la nature, à travers une nouvelle relation entre les mots et les choses. La nature est désormais considérée comme un « livre », le vrai livre de Dieu (en lieu et place de la Bible), et il nous faut décoder son langage. Cet effort conduira à la mathématisation de la physique, date de naissance de la science telle que nous la pratiquons aujourd’hui, puisque pour Galilée, le langage de Dieu, exprimé dans les formes naturelles, est de type mathématique. De la même manière, lorsque Edgar Morin, au XXe siècle, annonce l’émergence d’un nouveau paradigme scientifique, celui de la complexité, dans le tome 4 de La Méthode : Les Idées, il écrit: « Nous en sommes au préliminaire dans la constitution d’un paradigme de complexité […] Il s’agit non pas de la tâche individuelle d’un penseur, mais de l’œuvre historique d’une convergence de pensées ».
 
Le paradigme nouveau n’annonce donc pas seulement l’avènement d’une modification dans les méthodes et les objets de la science. Il constitue, plus profondément, une nouvelle manière de concevoir la structure intime de la réalité : une réalité cryptée chez Galilée (cryptage qu’il s’agit de déchiffrer) ou une réalité dans laquelle toutes les parties sont en interdépendance et en interaction chez Morin.
 
Pourquoi avoir rappelé le sens de ce terme, dans ce préambule finalement très didactique ? Parce qu’il parait manifeste qu’un nouveau paradigme est en train d’émerger dans le domaine des sciences dures, et spécifiquement en biologie et en physique, émergence dont le trait commun concerne le primat accordé à l’information. « L’objet sur lequel je travaille, c’est l’information » déclarait en substance le biologiste et généticien Pierre-Henri Gouyon, dans une conférence donnée début 2014 à Toulouse. Il est vrai qu’en matière d’informations, en particulier dans le travail de séquençage des gènes, les généticiens savent de quoi ils parlent et ils ont de quoi faire. Mais que la physique s’invite au débat sur le statut de l’information parait a priori plus étonnant. Et pourtant, c’est dans ce domaine que les transformations conceptuelles nous paraissent les plus radicales et les plus significatives. On y trouve cette « convergence de pensées » qu’évoquait Edgar Morin et qui est le signe premier qu’un véritable changement de paradigme est en train de s’opérer.
 
Tout commence peut-être avec les problèmes posés par l’expérience de pensée imaginée par le physicien anglais James Clerk Maxwell en 1871 et connue sous le nom du « démon de Maxwell ». Sans entrer dans des descriptions  trop techniques, il nous suffit de dire ici que Maxwell propose une expérience de pensée qui entraine, au niveau des échanges thermiques (par exemple entre un gaz chaud et un gaz froid) la violation de la seconde loi de la thermodynamique, laquelle stipule que toute transformation réelle s’effectue avec création d’entropie. Par exemple, si on laisse ouverte la porte d’un réfrigérateur éteint, la température du réfrigérateur et de la pièce vont s’équilibrer, et cela de manière irréversible sans apport d’énergie. Or, l’expérience du démon de Maxwell propose un processus permettant de revenir à un état de température inégal, sans dépenser d’énergie, et en diminuant l’entropie, ce qui est en principe impossible selon la seconde loi de la thermodynamique. Tout se passe comme si un « petit démon » était capable de sélectionner l’information au niveau des échanges thermiques, c’est-à-dire de « choisir », à l’intérieur de deux compartiments renfermant chacun un gaz de température différente, quelle molécule laisser passer par une ouverture (en fonction de sa vitesse d’agitation)  et quelle autre repousser, pour diminuer l’entropie. 

 

 
Qu’il suffise de retenir ici que cette expérience (présentée ici de manière très sommaire) mettait au premier plan non plus seulement des processus faisant référence à des transferts d’énergie mais aussi à de l’information. Les courants aujourd’hui qui, selon les physiciens considérés, se font appeler « l’informationalisme », la « physique digitale » ou la « physique de l’information », sont tous, peu ou prou, les héritiers de cet acte de naissance que constitue l’expérience des démons de Maxwell.
II. Le paradigme cybernétique
 
Au XXe siècle, avec l’apparition de la théorie de l’information de Shannon et la cybernétique de Wiener, de nouvelles étapes vont être franchies. Le monde physique va pouvoir être véritablement repensé en des termes informationnels, en dépassant la seule sphère de la communication intersubjective, à laquelle on réduisait alors trop souvent le concept d’information. En biologie, une séquence ADN devient un « code contenant de l’information génétique ». Les hormones et les enzymes sont considérés comme des messages. Le cerveau humain devient un processeur d’informations. Le satellite émet et reçoit des informations. L’informatique devient la science du traitement et de l’analyse de l’information par des machines, etc.
 
Mais, grâce au développement de la science informatique, véritable pourvoyeuse de modèles de représentation, cela va aller encore beaucoup plus loin : les chercheurs vont se mettre à traiter l’information comme un facteur d’organisation qu’on peut théoriser comme un objet physique et que l’on peut mesurer. Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples, les flocons de neige, les turbulences solaires, les cristaux, tous les systèmes fractals ou de type météorologiques, sont traités comme des « systèmes complexes » où la notion d’information devient centrale. L’information peut se conserver, s’accroître ou se dégrader. La vitesse de la lumière étant limitée, des courants physiques peuvent se produire dans la nature qui entrainent des pertes d’information dans un système ouvert, mais aussi, localement, des accroissements de complexité. On peut observer que certains des échappements thermodynamiques créés par les processus d'échange et de dissipation d'énergie, au départ des systèmes tourbillonnaires chaotiques, finissent par trouver des positions d'équilibre, devenant plus réguliers et même organisés. Tandis que l'équation de Boltzmann définit l’augmentation d’entropie par la formule  S = K.log (p),  Shannon, sur le même modèle, définira comme entropie d'information la mesure H = -K.log (p), formule équivalente, mais de signe inverse, à l'équation de Boltzmann.
 
Ce qui vient d’être décrit constitue une étape intermédiaire vers la véritable révolution dont notre propos voudrait restituer les éléments les plus marquants. Le modèle cybernétique (ou informatique) va peu à peu laisser la place à une ontologie, c’est-à-dire à des théories de nature scientifique qui considèrent que l’information n’est pas seulement une des dimensions accolée aux propriétés de l’énergie-matière mais qu’elle est le fondement même, l’essence intime de la réalité.  Parmi les théoriciens qui vont ouvrir cet axe audacieux, il est impossible de ne pas mentionner :
 
a) le physicien John Archibald Wheeler, de l’université de Princeton, qui a résumé cette approche  dans son ouvrage In complexity, Entropy and the Physics of information (en 1990) par une formule devenue célèbre : « It from bit » : « l’être (se conçoit) à partir du bit ».
L’être, la réalité fondamentale, c’est-à-dire pour lui, les particules, l’espace-temps lui-même, sont de nature informationnelle.
 
b) le physicien Richard Feynman, avant Wheeler, dans un article daté de 1982, conjectura que l’univers était, dans sa dimension la plus fondamentale comme un « ordinateur quantique géant », idée ensuite reprise par le physicien britannique David Deutsch d’Oxford et par Seth Lloyd, du MIT, aux États-Unis.
 
c) Du côté des informaticiens, l’idée aussi a fait son chemin : ainsi Stephen Wolfram, fit paraître en 2001 un important ouvrage intitulé A New Kind of science, qui s’ouvrait sur deux propositions radicales : 1) Tout, dans l’univers, y compris des catégories aussi fondamentales que l’espace et le temps, est le produit de programmes ou d’algorithmes de type informatique. ; 2). Non seulement l’ensemble de l’univers est le produit de programmes informatiques variés, mais ceux-ci sont de surcroît simples et courts.
 
d) La très sérieuse revue La Recherche publiait dans son numéro 489 de juillet-août 2014 un article du physicien italien Giacomo Maurio d’Ariano de l’université de Pavie, intitulé « l’univers est-il un ordinateur quantique ? » qui exposait les raisons pour lesquelles la physique de l’information pouvait résoudre les problèmes dans lesquels les physiciens quantiques étaient plongés. Parmi ceux-ci, il y a le problème du « cercle vicieux » de la physique des particules :
 
Si on demande à un physicien de quoi est fait notre univers, nous dit-il, ils répondent : il est constitué d’un champ quantique, et les particules ne sont que la « manifestation » des fluctuations ou des excitations de ce champ. Si l’on demande maintenant de quoi est fait le champ quantique, ils répondront qu’il est constitué de multiples systèmes quantiques, dont les particules, lesquelles interagissent les unes avec les autres. Qui du champ ou des particules est le premier ? Et comment sortir de cette crise de représentation ?  Giacomo Maurio d’Ariano soutient que le « champ quantique » ne forme pas une unité inséparable, un continuum unifié, mais qu’il se compose de parties discrètes et discontinues nommées des pixels quantiques : « imaginer que l’Univers, la réalité sont discontinus, discrets, signifie que ce ne sont pas seulement les particules, mais bien l’espace tout entier qui est issu des pixels quantiques : autrement dit, les pixels ne sont pas « dans l’espace », ils « sont » l’espace  lui-même ».
 
 
 
III. Risques et apories de l’usage du concept de simulation
 
Il existe pourtant une grave confusion dans la manière de comprendre et d’interpréter les modèles explicatifs que permettent de fournir la conception numérique de la réalité. La comparaison, si souvent faite, avec l’œuvre de fiction Matrix des frères Wachowski (éclairante sur bien des points) trouve ici ses limites. Dans cette œuvre, notre réalité est présentée comme une simulation numérique, une neuro-simulation, qui double la « vraie réalité », constituée elle aussi d’espace, de temps, de matière et d’humains qui ont trouvé refuge sur un vaisseau, le Nebuchadnezzar. Ce scénario, aussi visionnaire soit-il, ne correspond pas à la voie vers laquelle nous engage la physique de l’information que nous avons évoquée. Qui dit « simulation » présuppose l’existence d’un modèle (une réalité première qui est le « patron », le « modèle original ») que l’on va redoubler sur un autre plan, et qui se révèle illusoire par rapport à la consistance du modèle original. Ainsi les images qui apparaissent sur l’écran d’un ordinateur sont bien une simulation, car les pixels qui forment les images sur celui-ci, à partir des lignes de code qui s’exécutent, nous donnent l’illusion d’être en face d’un objet réel, et ce processus est conforme à l’origine étymologique du mot simulation (le verbe latin simulare qui signifie « faire à la ressemblance de »). Cette propriété de redoublement n’est d’ailleurs pas spécifique à la simulation numérique et concerne toute forme d’images (celle d’une photographie, celle d’un film) ou de comportement (la simulation d’un jeu de rôle etc.).
 
Il est donc faux de dire que la physique de l’information nous conduit vers une conception de la réalité où celle-ci serait une « simulation ». Maurio d’Ariano, dans l’article déjà cité, exprime clairement ce point : le fait que les lois et l’évolution de notre univers puissent être simulés par un ordinateur quantique n’implique pas que notre univers soit une simulation. Il nous faut, en effet, nous hisser jusqu’au rivage de la métaphysique et dire : « la réalité est la simulation », ce que l’on peut aussi exprimer plus directement comme suit : « la réalité est un logiciel pur » (p.49 op.cit.).  Plus profondément encore, pour penser la réalité comme un système informationnel, il nous faut nous déprendre de l’écueil que constitue le couple simulé/simulation. Le réel n’est pas « simulé », il est donné. Il se manifeste à notre perception comme « matière » mais son essence intime est information.
 
IV. OVNIS et physique de l’information
 
Nous n’avons pas encore, dans cet article, évoqué la problématique que constitue le phénomène OVNI. Le lecteur comprendra aisément qu’il nous fallait d’abord faire ce détour par ce nouveau cadre théorique, pour donner sens à l’approche qui est maintenant la nôtre. Nous disions, dans un précédent article publié sur ce site, « Le philosophe et les OVNIS », que quelle que soit le bout par lequel on pouvait prendre le problème OVNI, celui-ci nous conduisait invariablement au même constat : l’exigence de réfléchir sur le sens que nous donnons au mot « réalité », tâche qui concerne aussi bien la science que la philosophie, cette dernière occupant, par son histoire, une place éminente dans ce débat. La nature intime du réel, « l’essence de l’être », comme disent les penseurs de la tradition, est en effet, la grande affaire des philosophes.
 
Les promesses que laisse entrevoir la physique de l’information nous offrent une possibilité parmi d’autres d’interroger ce que nous appelons le réel et  intéresse donc de manière directe la recherche ufologique. Nous écrivons « parmi d’autres », car la physique a produit, ces dernières décennies, d’autres approches qui permettent d’ouvrir considérablement le champ des conjectures sur l’origine exacte du phénomène OVNI. Multivers, univers parallèles, univers jumeaux,  réalités alternatives, font partie de ces objets curieux vers lesquelles nous pousse la recherche scientifique. Mais parce que la problématique OVNI constitue le plus grand déni de toute l’histoire des sciences, les chercheurs qui entrevoient dans ce phénomène la possibilité d'un éclairage inédit sur les nouvelles théories physiques de l'espace-temps sont encore contraints d'y puiser secrètement pour se hisser au niveau du défi que cet horizon nouveau représente. Ce travail s’accomplit comme en « contrebande », puisqu’aucun laboratoire de recherche n’inscrit, aujourd’hui comme hier, la question des OVNIS dans son programme de recherche, comme matériau capable de l'alimenter. De ce fait, les chercheurs qui tentent de le comprendre à l'aide de concepts nouveaux issus du travail « officiel » de la science, ont le rôle peu envieux de passagers clandestins.
 
Seule l’étrangeté du monde quantique, tel qu’il nous est décrit depuis les premiers travaux de Max Planck, au siècle dernier, nous paraissait pouvoir se hisser jusqu’alors au niveau de l’étrangeté du phénomène OVNI et être en mesure de nous donner des outils intellectuels suffisamment adaptés pour tenter d’en cerner les contours. En même temps, le physicien Richard Feynman avait écrit en 1965 dans The Character of Physical Law : « Je crois pouvoir affirmer que personne ne comprend vraiment la physique quantique ». Et nous pouvions alors tout aussi bien dire, sur le même registre: « personne ne comprend vraiment la nature et l’origine du phénomène OVNI ».
 
L’émergence d’une physique des particules qui allie l’étrangeté du monde quantique avec le paradigme informationaliste, change la donne. Nous affirmons que de nombreux témoignages portant sur des manifestations qui violent avec ostentation les principes les plus élémentaires de notre physique, ne peuvent trouver une explication que dans ce nouveau cadre. Mais il faut pour cela ajouter à l’information et aux objets quantiques qui en découlent (pixels, qubits, algorithmes etc.) ce que certains ufologues considèrent toujours comme la grande oubliée de la physique : la conscience.
 
La physique de l’information ne constituera une ouverture vraiment féconde pour l’ufologie que lorsqu’elle aura accepté l’idée que prendre en compte le rôle de la conscience dans la description de la matière ne constitue pas une attitude antiscientifique. Ce rôle, les physiciens ont en déjà pourtant éprouvé la prégnance à travers, en particulier, le phénomène dit de « décohérence quantique » qui relie l’effondrement de la fonction d’onde d’une particule avec l’acte d’observation d’un sujet. Avec cet effondrement, se produit alors une sélection instantanée d’un et un seul état parmi l’ensemble des états superposés possibles que la particule pouvait virtuellement réaliser. Sans la présence d’un observateur, c’est-à-dire d’un sujet conscient, cette sélection ne peut se produire.
 
À ma connaissance, aujourd’hui, seul le physicien français Philippe Guillemant investit pleinement ce sujet et explore le lien étroit existant entre la matière et la conscience, comme l’atteste son ouvrage La Route du Temps, paru en 2010.  Certes, je n’oublie pas les travaux de David Bohm sur cette relation, dans les années 1990, dans le cadre de sa théorie de l’holographie quantique. Mais, dans tous les cas, l’irruption de la conscience dans le champ d’étude de la physique des particules possède des conséquences explosives. Aucun scientifique n’est dupe sur ce point, même si la plupart sont frileux.  Cette introduction permet de tout subvertir ou presque. Ainsi, chez Philippe Guillemant, la linéarité du temps et la flèche de la causalité sont mises à mal par la possibilité d’une rétrocausalité devenue efficiente par les phénomènes de synchronicité ; l’unité de notre monde, qui pourrait se voir « dédoubler » en réalités alternatives ; la structure intime du temps, où l’on pourrait distinguer un temps relatif et un temps « vrai », etc.
 
Si l’on ajoute donc ce dernier paramètre, celui de la conscience, aux approches informationnelles de la physique, si on donne à la conscience la place qui lui est due, une place centrale, alors, croyons-nous, de nouveaux champs d’investigation très prometteurs s’ouvriront quant aux conjectures sur l’origine du phénomène OVNI, qui ne sera plus lui-même qu’une « conséquence seconde » d’une nouvelle étape de notre compréhension de la réalité. Nous pourrions ainsi, dans un cadre théorique qui intègre la conscience, ouvrir beaucoup de portes, avant de savoir aussi par la suite en refermer certaines.
 
Ce cadre nous fait entrevoir que la matière perçue, et les lois qui en régissent le comportement, ne seraient, au final, que l’illusion, pour notre conscience, d’un monde produit par de pures formes intelligibles. La densité, la pesanteur des choses, leur apparente résistance,  auraient aussi peu de réalité que les images et les sons qui se manifestent sur l’écran d’un ordinateur, générés « en réalité » par des lignes de codes (selon le modèle de Stephen Wolfram) ou par des formes mathématiques (selon celui du cosmologiste Max Tegmark). Sauf qu’ici rien ne serait « simulé » mais bien donné et que l’écran, ce serait notre conscience. Il nous faudrait alors, en posant un lien indissoluble entre conscience et information, changer de terminologie, comme le suggérait l’ingénieur et ufologue Claude Lavat dans un échange que j’avais eu avec lui à Toulouse, et parler non plus d’information mais de cognition.
 
Ces conjectures donnent le vertige, même si elles ne sont que des conjectures. Qui pourra dire qu’elles n’ont pas de conséquences directes sur la compréhension du phénomène OVNI ? Elles ont le mérite de coller aux travaux les plus novateurs de la « science officielle », et d’ouvrir l’éventail des possibilités quant à l’origine des  OVNIS, origines longtemps réduites à la seule hypothèse du voyage interplanétaire, dans une vision bien trop classique (sinon naïve) de la structure globale de l’univers et de son essence intime. Il nous faut en finir, une bonne fois pour toute, avec l’alternative trop simpliste qui a consisté pendant des décennies à devoir choisir entre l’hypothèse psycho-réductionniste et l’HET, l’hypothèse extra-planétaire au premier degré, l’une et l’autre conduisant sans discussion aucune à des impasses.
 
V. La nouvelle ufologie
 
Il n’est pas dans le propos de cet article de détailler toutes les conséquences que l’on pourrait tirer d’une physique de l’information reliée à une théorie de la conscience, quant à la compréhension que celle-ci pourrait nous fournir du phénomène OVNI. Qu’il nous suffise de dire ici que des travaux portant spécifiquement sur ces questions sont en cours, appelés à une diffusion publique, sans être tenus par le secret d’un quelconque « collège invisible ». On verra, à la lumière de ces publications et de leur réception, si le titre de ce cinquième paragraphe, « la nouvelle ufologie », était trop présomptueux ou au contraire pertinent. Celle-ci sera, à notre sens, incontestablement bien plus théorique que celle qui, à ses origines, se contentait de décrire des cas, d’évaluer le sérieux des témoins et de s’épuiser parfois à chercher chez eux le signe de quelque altération du jugement ou de quelque malhonnêteté. La nouvelle ufologie à laquelle nous rêvons sera infiniment plus riche d’hypothèses, de possibilités théoriques, de concepts novateurs et favorisera donc davantage l’attention au  travail de la science plutôt que le tourment des témoins.
 
Il nous faudra désormais apprendre à penser dans un seul et même mouvement, la matière et la conscience qui la perçoit, démarche intellectuelle que les philosophes connaissent bien et qu’ils ont appelé « l’idéalisme ». A l’exception de quelques courants, comme le matérialisme ou l’empirisme, cette démarche constitue le principal  message de l’ensemble de l’histoire de la philosophie, de Platon à Kant, de Berkeley à Hegel, etc. Car le secret du « mystère des OVNIS » réside dans cette équation où il s’agit de remettre dans le bon ordre les items qui la composent : Matière, conscience, information, énergie. Pour l’approche que nous privilégions, énergie et information sont comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. Ils n’existent que dans et pour une conscience et se manifestent à elle comme expérience de la matière.
 
Qu’on ne nous dise donc pas ici que cette approche privilégie une « conception mentale » ou psychologique du phénomène OVNI. Le phénomène est bien matériel, il peut laisser des traces au sol, des échos-radars, et interagir avec notre environnement physique. Mais c’est notre environnement lui-même qui possède une composante mentale, et c’est pourquoi, il peut subir les distorsions que les OVNIS lui font parfois subir, au mépris des lois habituelles de notre monde, car ils en maitrisent le paramétrage et ils en ont compris l’essence profonde.
VI. Conclusion
 
De tout ce qui précède, une conviction s’impose, que j’exprimerais en ces termes: je crois profondément que, comme le clamait Aimé Michel, le jour où le phénomène OVNI aura dévoilé tous ses mystères, ce dévoilement fera l'effet dans la conscience humaine d'une véritable  « bombe atomique psychique », tant les modifications de notre perception et de notre compréhension du réel seront importantes. Nous le pressentons tous déjà : la problématique OVNI n’est que la face émergée de l’iceberg, et cache dans ses profondeurs quelque chose d’énorme, de gigantesque, apte à nous faire changer de paradigme scientifique et même à modifier complètement les méthodes et l’approche de ce que nous appelons aujourd’hui « la science ».
 
La perspective de voir advenir une « physique de l’information » qui supplanterait ou fonderait celle de l’énergie-matière, nous laisse entrevoir, en effet, de formidables développements aux conséquences incalculables. Une telle physique, si elle parvenait à asseoir sa légitimité, nous offrirait enfin le cadre théorique pour réconcilier au sein d’une science unifiée les phénomènes qui ont la bénédiction de la recherche officielle et les « domaines maudits », tous ces faits honnis aux relents fortéens, dont le rejet fait du savoir humain actuel un territoire divisé par une haute muraille, celle qui sépare le scientifiquement correct des phénomènes qui ne trouvent pas droit de cité en son sein. Nous pourrions enfin accéder alors à ce que l’on pourrait appeler, la « superscience » du futur, où peut-être, science, métaphysique et spiritualité se rejoindraient enfin. Mais nous n’en sommes pas encore là.
 
 
Philippe Solal, agrégé de philosophie
Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse
 
 

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